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Au secours Léonard ! (Partie 1/2)

Photo by asoggetti on Unsplash

Au temps de Léonard de Vinci, un érudit pouvait encore espérer avoir lu et assimilé l’ensemble du savoir produit par ses pairs ; aujourd’hui, la quantité d’information produite par les humains et les machines double toutes les 12 heures. Toute information n’est peut-être pas digne d’être érigée au rang de savoir, mais on conçoit que plus personne aujourd’hui ne puisse espérer en digérer autant.

Or toute personne s’intéressant à un champ de savoir particulier doit être en mesure d’en faire une synthèse suffisante s’il veut l’utiliser ou, peut-être, le prolonger. Comment y parvenir ?

Au travers de ce premier article, illustrons la problématique par l'exemple de la montée en puissance fulgurante du JavaScript, devenu en quelques années un environnement de développement à part entière. Puis, sans toutefois prétendre mener une étude sociologique sur le rapport employeurs et employés, nous verrons pourquoi l'évolution de ce dernier est une incitation supplémentaire à être acteur de sa propre formation.

Rentrons dans le vif du sujet sans plus attendre !

La percée du JavaScript

Passé d’un langage de type « coin de table » à un véritable écosystème fullstack en moins de 10 ans, le JavaScript a opéré une percée qui illustre bien la nécessité et l’opportunité pour les individus et les organisations de se renouveler. Retraçons son histoire.

Le JavaScript fait son apparition dans les navigateurs en 1995, apportant du dynamisme par petites touches. En 2006, jQuery voit le jour, qui facilite les manipulations du DOM et exploite l’objet XMLHttpRequest, normalisé par le W3C l’année suivante. Ainsi naissent les architectures AJAX et les premières vraies Single Page Applications, auxquelles Backbone.js apporte de la structure en 2010 avec une implémentation du patron MVC et le recours aux événements.

Bien que l’on doive beaucoup à jQuery et Backbone, plus personne n’a désormais recours à ces librairies pour de nouveaux projets : dès 2009, Angular JS, son architecture MVC et les différents bindings permettent l’écriture des vues dans un style déclaratif. En 2016, Angular 2 enrichit et complète l’environnement de travail avec l’injection de dépendances, facilitant la modularité et la testabilité. Les entreprises disposent pour la première fois d’un framework front-end d’ordre industriel.

Puis, en 2013, React introduit le premier DOM virtuel, procédé largement adopté ultérieurement par les autres librairies Front-End du fait de son apport en termes de performances. Les bonnes pratiques conduisent à l’adoption d’architectures à flux de données unidirectionnels, implémentées pour la première fois par la librairie Flux mais aujourd’hui plus fréquemment par Redux et Mobx.

Ember et Vue ainsi que d’autres frameworks ou librairies Front-End viennent continuellement enrichir l’outillage du développeur, avec plus ou moins de succès : nous avons par exemple passé sous silence des tentatives intéressantes mais infructueuses telles que GWT, dont la première version date de 2006.

2009 est une année charnière, car c’est l’année où Node.js et son moteur V8 portent le JavaScript côté serveur, fournissant un écosystème suffisant pour créer des applications complexes de bout en bout, au développement comme à l’exécution. L’environnement de développement que nous évoquons comprend l’outillage nécessaire à la programmation par les tests (TDD, BDD), divers gestionnaires de paquets, transpileurs, linteurs et autres outils d’automatisation, qui ont emmené cet environnement à un niveau de maturité comparable à ses équivalents Java ou .NET.

Cet exemple illustre le fait qu’un développeur JavaScript rentré sur le marché il y a cinq ans puisse être aussi opérationnel qu’un développeur Java ou .NET. Il est en revanche une certaine maturité technique et méthodologique qui ne s’acquiert qu’avec le temps (cf. effet Dunning-Kruger).

Inversement, un développeur venant de langages objets fortement typés et n’ayant pas investi ce champ de connaissances aurait à payer un coût d’entrée important s’il était amené à mettre en place une Single Page Application : l’implémentation du paradigme objet par prototypage plutôt que par recours aux classes et l’asynchronisme propres au JavaScript demandent d’apprendre à penser différemment.

En ce sens, l’informatique est un domaine où prévaut l’égalité des chances : le paysage technologique avance. Si nous ne faisons pas l’effort nécessaire pour nous former, nous adapter et nous renouveler à son rythme, nous sommes dépassés. Tout nouvel entrant, parce qu’il va se former aux dernières technologies, trouvera a contrario une place dans cette course — le terme n’est pas des plus heureux.

Soyez acteur de votre formation !

Mettre en place une veille technologique personnelle active est d’autant plus nécessaire que la tendance naturelle des entreprises, lorsqu’elles n’y prennent pas garde et privilégient le court terme, est d’utiliser leurs salariés pour les compétences qu’ils maîtrisent déjà, les enfermant de fait dans leur zone de confort. Cette tendance se renforce du fait de l’évolution de la relation employeur-employé.

En effet, le modèle des grandes entreprises qui prévalait il y a 15 ans privilégiait l’embauche des ingénieurs au sortir de l’école et leur formation au cœur de métier via un parcours de long terme. L’entreprise investissait à 10, 20 ou 30 ans sur un individu dans le but de l’emmener à occuper un niveau de poste fonction de son potentiel. La contrepartie était une fidélité tacite et voulue de l’employé.

S’il est encore en vigueur dans quelques très grandes structures, notamment celles dont l’activité est fortement capitalistique (pétrole, électricité), ce modèle a clairement perdu de sa vigueur à mesure qu’est apparue de la défiance entre employeurs et employés. Parmi ces derniers, rares sont ceux qui envisagent encore de mener toute leur carrière au sein d’une même entreprise, voire d’exercer un métier unique. Le regain d’intérêt pour le statut d’indépendant est la manifestation extrême de ce phénomène.

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En conséquence, l’investissement de l’entreprise dans ses salariés n’est plus le même et l’individu doit être acteur de sa carrière et de sa formation. La mise en place du CPF (Compte Personnel de Formation) va en ce sens.

A suivre...

Le prochain article, repartant de ces différents constats, proposera cinq considérations simples pour mener une veille technologique efficace.

A très vite !

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